REQUINS

D'AFRIQUE DU SUD

PAYSAGES D'ISLANDE

 

­LA GRANDE AVENTURE BLANCHE,

JOURNAL DE BORD DE REQUINS ET DE LUMIERE D AFRIQUE DU SUD.

 

 

10 Mai 2011, premières impressions blanches et raçistes.

 

Il me reste tous mes membres, en particuliers les doigts. Oui, je suis entière et en parfaite santé.

Je suis partie pour deux mois en Afrique du Sud, non loin du Cap, à Kleeinbaai. Je vais réaliser des films promotionnels au dessus et au dessous de l ‘eau, avec les grands requins blancs.

 

White Shark Projects fait du "cage dive". Ils prennent des gens qui payent 150 dollards la sortie, les mettent dans des cages accrochées au bateau, dans une eau à 10 degres, et leur disent d aller sous l'eau lorsqu un requin approche. Sinon ils proposent leurs services aux "marine biologists" de la region pour qu ils prennent des photos et taggent les requins, ca, c est la partie interessante.

La compagnie possede en son sein des "volunteers" qui payent aussi pour venir aider et faire les tâches les plus pénibles (incroyable!) , et loger tous ensemble (avec moi aussi !) dans une maison acollée au garage qui sert de séchoir a combis et de reservoir à tête de thon pourries pour appater les requins. Une ambiance olfative toujours au rendez vous.

Kleinbaai ça pue. Ça pue le poisson et le kelp, ces grandes algues de 50m de long, échoués sur la berge.

Mais le paysage est vaste, lisse, pur. J ai des impressions de Norvège, de lumière de fin du monde, toute douce et froide. C'est vide aussi.

Beaucoup de villas abandonnées l'hiver, donc Juillet/Aout pour ce coté du globe, à Kleinbaai.

 

Parce que non loin de là, il y a Masakhane, faite de tôle et d'immondices, et Bloompark, respectivement le coin des noirs et le coin des métis. Oui, l'appartheid c est fini depuis 1994, sauf que c est ya pas longtemps et que rien n a vraiment changé dans la pratique. Les gens de couleur différentes travaillent souvent ensemble, comme c est le cas à White shark projects, mais ne vivent pas ensemble. Le patron avec son blackberry, son 4x4 et sa maison a deux étage avec domestiques sert tous les jours la main de employé métis à la réception et de son employé noir sur le bateau, qui habite dans une case de tole de 5m2, sans eau courante et sans électricité.

Les plus virulens racontent des legendes pour se faire peur entre communautés, histoire de rester encore plus loin les uns des autres. On est aux confins des aprioris, des surinterprétations de l'humain sur l'humain.

Ils sont séparés, sous le même ciel. Exactement comme les Afrikaaners (descendants des premiers colons hollandais) l'avaient prévu, et exactement comme Hitler le leur a enseigné, parquer, numéroter, étiqueter, délimiter, tout ce qui est noir et tout ce qui est blanc.

 

Je me suis faite ramener en stop par un gros Afrikaaner tout rose, dégoulinant de solitude, de haine. « Reste prudente, te balade pas comme ça toute seule sur la route. Ici il y a les poachers, les pecheurs d’ormeaux noirs. Ils croient qu’en violant une blanche ils guériront du sida. » Il se fait de plus en plus tactile et je commence à me sentir bien plus en sécurité dans n importe quel township noir que dans la voiture de ce gros porc. Je déguerpis vite.

 

17 Mai 2011, couleurs de la baie et des requins.

 

Il est 6h du mat. Il fait nuit et on enfile nos vêtements humides et poisseux de la veille.

Les volontaires se pressent dans le garage, empillent combis, gilets, têtes de thons congelées puis vont laver et préparer le bateau.

Lorsqu on sort du port les premieres lumieres du jour pointent. Des lueurs pastels par ci par là, et la mer prend prend toutes les nuances de gris, de blanc, d argent et de nacre. Elle hésite entre transparence et refleter le ciel, et au fond, la chaine du Drakensberg, bleue, lisse, pure, me souligne les yeux au khôl.

Ya des milliers d oiseaux marins qui volent au raz de l eau en ligne paralleles devant le bateau. Des taches noires et propres dans cette immense baie blanche.

Les touristes stupides, engoncés dans leur life jacket oranges aux couleurs de la compagnie se serrent les uns contre les autres. Une nageoire géante au loin. Julia crie : "Bright whale, just in front of us guys!" et tout le monde se jette sur le pont. Dyer Island en vue, on se prépare a jetter les 150m de bout servant à mouiller le bateau dans la baie et les volontaires se mettent à préparer le chum bucket, ce joli assortiment de patée pour requin à base de viscères de chien mort, l'huile de poisson pourrie et de vrais morceaux de tête de thon écrasées. Le tout arrosé d eau de mer. C’est le « chum bucket »

Et puis cette forme massive sous la surface qui vient effleurer le bateau. C est une grosse boite à manger en forme de tube de dentifrice géant (de 3 à 5m de long) C est gracieux et diabolique à la fois. C est con et tres intelligent. C est farceur et cruel. On dirait que ce n'est qu une bouche beante. On dirait que ce n est que des dents. C est lisse, et gris, et blanc.

Inlassablement l'équipe lance la ligne de tête de thon. Et les gros et gras mangent des sucettes et des chips, et s'écrient "oh my god, oh, its FAN-TAS-TIC!"

 

La cage m'attire de moins en moins, l'eau est froide et on est secoués comme des sardines dans leur boite. Le caisson se cogne de partout, et puis merde, maintenant je sors les mains de la cage parce que c est beaucoup trop compliqué sinon. Et puis les requins sont tranquilles, c’est pas des betes assoifées de sang. Toujours impressionnantes, certes, et oui il faut faire attention. Ils me fascinent et me répugnent. Rapides, silencieux, mysterieux. Lignes pures et bouche béante, entrailles de poisson préhistorique, dents roses.

Chacun a sa personnalité, sa facon d'approcher ou de se montrer. Il m’arrive de les comparer à des chiens, parfois. Tous excités, curieux, ils viennent se frotter contre les pales des hélices, mordiller la cage pour comprendre qu’est ce que c’est. Ca se mange?

En fait le réel danger pour les humains est de se retrouver en surface, comme une proie potencielle, ou un objet éveillant sa curiosité, une otarie ou un surfeur, qui, vu d en dessous, ressemble malheuresement à une tortue. Il vient, « regarde » avec ses dents, et puis non, recrache. L’humain c’est pas bon, ya pas assez de graisse. Sauf que pour sa petite expérimentation, il aura arraché un bras ou mordu ans la moitié de votre abdomen…

Le « feeding », (appâter les requins pour les montrer aux touristes, avec une tête de thon) a vraiment mauvaise réputation. Beaucoup pensent que l’activité rapproche anormalement les rapports des requins avec les humains et les incite à les manger tous crus, en fesant l’amalgame entre une tête de thon et votre beau-frère. Forcèment, après avoir balancé des litres de chum bucket, il est plutot préférable de ne avoir envie d’aller se baigner : les requins sont excités, et prêts à mordre n’importe quoi jusqu'à ce que ça puisse se manger. Deuxièmement, accuser le feeding de créer des accidents est mal fondé : les requins ne sont pas sédentaires. Chaque jour nous en voyons des quinzaines de différents. Rares sont ceux que l’on recroise. Certains requins taggés en afrique du sud ont été retrouvé en australie, et en sont même revenus! Pour l’instant il est difficile de comprendre les motivations de leurs déplacements, et ça m’étonnerait qu’ils reviennent en masse dans la baie de Gaansbaai, se souvenant qu’un excellent leurre de tête de thon leurs a été présenté à cet endroit sans qu’il puissent mordre dedans…

 

Pour un photographe, chopper le bon moment où il chasse une otarie, bondit hors de l eau ou montre ses dents releve du miracle. Des heures d attente, la nausée, et quelques images potables. Frustrant et fastidieux...Étant donné que la patience est pas ma premiere qualité, ce sont des journées qui ressemblent a des défis pour moi.

 

La houle est énorme, le kelp luise sous le soleil le matin et parfois la brume-gelée- nous entoure.

Dans la journée il fait gris et on ne sait définitivement pas quelle heure il est. Ni quelle saison.

 

Une fois, une bande de trente dauphins joue pas loin. Une autre fois, des otaries viennent longer le bateau, lancées comme des balles en lignes parfaitement parallèles. Des avions de chasse pour la parade du 14 juillet qui laissent des traces d 'écumes et sautent les unes sur les autres.

 

Mes yeux sont remplacés par le capteur de ma camera et desfois je sais plus vraiment comment on fait dans la vie si on est pas derriere un objectif.

 

Ca me demange quand meme de voir du pays. Cest grand l'afrique du sud, et Kleinbaai est petite...

 

Les étoiles ici sont pas toutes les mêmes.

 

22 Mai 2011, quotidien immobile par mauvais temps.

 

Ici il y a des pecheurs de nacre, d’ormeaux. C est illegal et dangereux. Ils habitent le township a coté et ya plein de rumeurs sur eux, tout le monde les redoute. Ici, c est eux le grand mechant loup.  Ils nagent 3 km la nuit dans une eau infestée de requins blancs jusqu a Dyer Island. Là, ils plongent en apnée par 15 m de fond recuperer les coquillages.

Les gens sont fous.

Les gens sont pauvres.

 

Kleinbaai est vide et propre, le temps immobile. Quand on joue au foot dans la rue, ça résonne. Je sais pas vraiment si je suis en enfer ou au paradis, entre les deux il doit y avoir un apres midi interminable.

Le vent souffle dehors et ya tout qui tremble. Je suis à l’autre bout de la planête et le mouvement s,est arrêté, le temps pose pour moi. Ma réalité englobée dans une boule de conton froide, j’arrête de penser. Douce étrangeté du présent.

Le vent souffle encore et je suis maintenant à l’autre bout de l’univers. Mes bottes clapotent dns la marée basse. J’ai les mains refroidies et pleines de coquillages. Ils sont recouverts de concressions de toutes les couleurs, certains sont éventrés, laissant apparaître leur intérieur nacré. Leurs entrechocs entre mes doigts est comme le clapot de mon enfance, dans cette étrange clarté du soir. Il ne fait ni jour ni nuit et les nuages défilent en fast forward dans un ciel sans couleur. Les bastinguages des bateaux sifflent. J’ai du mal à définir les contours dans la pénombre.

Personne. Encore. Toujours.

Il y a des lumières allumées dans quelques maisons mais le vent souffle toujours.

Je suis pas loin de l’Antarctique, une scientifique isolée dans une station météo, ou alors je suis en orbite, et je rêve que je rêve.

 

Le temps passe et les gens se rapprochent.

D abord il y a Julia, la grosse anglaise blonde a qui je dois tout. Elle filme les gens sur le bateau, coordonne mon planning, et les envies des boss pour que puisse rendre un produit pertinent.

Ya Renee, la boss qui ne sait jamais ce qu elle veut et qui semble vraiment m apprecier, au point ou elle voudrait que je reste pour toujours faire des spots de pub sur les activités de la region en bonus...rester pour filmer du golf, amazing...

Ya Abraham, le secrétaire métis et gay qui appelle les clients "honey", qui amene tous les matins des muffins qu il fait lui meme, et avec qui je tchache beaucoup d histoires de filles.

Ya Franck, le jeune sud africain "marine biologist" qui qui partage la vision derriere un appareil photo avec qui on teste la go pro. Il est en charge des volontaires et ne les métrisent pas trop, on s amuse beaucoup a lui rendre la vie dure.

Ya Bee, Mandla et Maoli, les mousses noirs qui ont une unique chanson des années 80 qui passe en boucle sur leur portable. Mandla essaie de m apprendre le vocabulaire marin et anglais et en xhosa...

Et puis ya Phil, un ptit volontaire anglais de 19 ans, qui semble toujours avoir vécu ici, qui ne partira jamais et qui passe son temps en combi. Maintenant que tous les volontaires sont partis on a notre petit foyer a deux, toujours pas assez grand pour toutes ses affaires. Je passe mon temps a lui gueuler dessus pour qu il ramasse par exemple sa combi mouillée et sa raquette de tennis au milieu de la cuisine depuis 3 jours, ou qu il arrete de jouer au foot dans la piece ou je travaille jusqu a 2 heures du matin. Mais nos folies concordent bien lorsqu on cuisine des livres, surfe le bateau a son point le plus haut, casse du sucre sur le dos des clients, ou lorsqu on s envoie des chaises dessus et qu on se bat dans les taxis.

Les prochains jours s annoncent vides, pas de sortie en mer. Heuresement ya Phil, qui partage l envie de rencontrer des gens a Masakhani, le township d a coté, de voir un peu de vie, sortir de cette ville fantôme, et de grimper des montagnes.

 

Sinon mon challenge est de finir le boulot le plus vite possible pour aller faire un tour vers cape town des que je peux.

Ca devient de plus en plus difficile etant donné que chopper une baleine c est rare, et que mon systeme de barre vissable sur mon caisson est toujours pas au point.

J ai 200 fichiers vidéo d ailerons et de têtes de thon a trier tous les soirs...

 

Le temps s etire entre ennui, silence et grandiose.

On en reparlera...

30 Mai 2011, reflets du bout de la journée, reflets du bout du monde.

 

J’ai l impression d avoir toujours vécu ici, Kleinbaai est un mouchoir de chloroforme qui nous a endormis depuis notre ancienne vie.

Même si l on est pas venus pour ça, Phil et moi sommes devenus des habitants de Kleinbaai, ainsi que des membres officiels de l’équipe de Whites Shark Projects. Il me restait quelques images a capturer du coup j'étais beaucoup plus présente sur le bateau. Notre quotidien est devenu rugueux et simple, entre les caisses de têtes de thon, des combis a laver et a faire sècher dans le jardin, l’ancre et les 150m de bout a remonter, les requins a annonter et reconnaître pour le database.  On était loin de l ambiance colo qui regnait dans la maison quand il y avait tous les volontaires, mais le temps prend un autre gout, plus vrai. Vu qu on a trouvé les clefs du pick up de la compagnie, on le sortait de temps en temps sans que personne ne le sache, pour aller voir le coucher de soleil a DeKeldes, regarder le rugby au pub (veritable institution ici) ou se manger une pizza a la banane a Gaansbaai.

Et puis une fois, on a laissé le pick up au bord de la route, entre Gaansbaai et Hermanus. On a marché dans le bush, en direction du soleil, qui met des plombes a se coucher. La lumiere rase la vegetation basse et teinte le tout de sepia. C est une fin d après midi d hiver en Afrique. Je remonte mon col. Chaque detail s offre a la vue dans cet open space en pain d’épice. Et puis on les apercoit. Des elands, les plus grosses gazelles au monde, mesurant 1m80 au garro. On compte 25 bêtes, et on les perd et les retrouve entre chaque colline. Les males emettent des clics quand ils marchent avec leurs genoux. Phil me fait des signes d indiens silencieux, et pendant une heure, on va courir et se plaquer contre le sol entre chaque relief pour mieux les observer. A voix basse il essaie de me dire en francais combien ils sont fucking grands, je lui répond en anglais les premiers mots que je trouve, c est trop beau. Ma tête explose : oui, je suis bel et bien en Afrique, et j avais pas remarqué. Je peux pas dénombrer les magnifiques images de cette après midi là, des silouhetes des elands sur la crete au soleil couchant, des montagnes qui s entrechoquent au loin dans le mauve, de toutes les epiphanies de lumiere de l extreme sud de la planete, qui ont rendez vous devant nous ce soir la.

 

Le pick up nous servira aussi a rendre visite à Moos, le chauffeur de WSProjects, qui habite a BloomPark (le coin des metis) et a Mandla et Bee, les marins, à Masakhani (le coin des noirs).

Moos nous invite a venir voir le match de rugby opposant Gaansbaai et Wellington, dans le stade miteux de Bloompark. Toutes les couleurs et les langues sont présentes, les bierres et les saucisses sont echangees entre differentes strates de la societe autour du feu, et tout le monde hurle et klaxonne en meme temps. Il fait froid cet apres midi là, l hiver s installe et la chaleur des humains me fait du bien, c est un temps de moins hors de la lugubre Kleinbaai. Je reste heberluée de l ecart qui existe entre les gens, et on se demande combien de temps il faudra encore pour que les barrieres tombent et que les humains osent se parler, et vivre ensemble. La nation arc en ciel de Nelson Mandela existe, chez ceux dont le coeur est ouvert.

 

C est un scandale quand on parle aux Afrikaaners qu on se rend regulierement hors de Kleinbaai, dans les quartiers “mal famés”. Ils ne savent pas ce qu ils perdent. Je ne me suis jamais sentie aussi vivante en AfdSud que la bas. La misére est poignante, mais leur solidarité et leur sourires le sont encore plus. Les enfants se jettent sur nous pour nous faire des calins a Masakhani. Je souleve le couvercle d un ragout de mouton qui bout dans un chaudron noirci de crasse, pendant que Phil parle avec les voisins de Mandla, tous pleins de fringues de marque. On les soupsonne les gentils gangsta d etre des poachers, des pecheurs d'ormeaux nacrés. Masakhani est d une pauvreté graduelle, entre maisons proprettes de toutes les couleurs en dur, et tas de taules. Pour rejoindre la baraque de Mandla, il faut s enfoncer dans les petites ruelles de terre battue et rejoindre des habitations de moins en moins solides. Mandla est témoin de Jéhovah. Sa cabane de 10m2 est jonchée de prospectus religieux. Le soir, on va a l eglise le voir precher en xhosa, afrikaaner et anglais. Je comprend moins d un tier de ce qui se dit dans la salle mais mon attention se fixe sur les croyants, qui sont blancs, noirs et metis, parlant courramment au moins deux langues.

Le xhosa claque comme des bulles de chewing gum. C est surtout les noirs qui la parlent. Certains mots ont des “clics”, produits avec le fond de la gorge ou la langue. Un régal. J ai appris a compter jusqu a dix et je me lasse pas d ecouter les marins du port parler entre eux. Une friandise qui crépite, qui craque comme du chocolat 90% dans mon cerveau.

 

Et puis un brin de liberté a soufflé après une réunion glorieuse avec mes boss. Charmaine était tellement contente de la nouvelle promo qu elle voulait pleurer.

N en fesons pas trop.

Mais n empêche que j ai pris 4 jours off à Cape town avec Phil et que ca fesait du bien. Il a beaucoup plu donc j ai passé le plus clair de mon temps a faire secher mes chaussettes sur le radiateur du backpack (auberge de jeunesse sud africaine). Le temps de voir quelques musées donc parce qu il pleuvait, et puis quand il s'est arrêté de pleuvoir on est allés jouer au foot avec les minots de Cape Flats, dans les townships (ghettos est le vrai mot) à l'ouest de Cape town, pour une asso qui extirpe les gansters de la drogue et des armes vers le sport. On est restés sur le terrain avec les enfants et les plus grands jusqu a la nuit, puis on nous a invité a manger des burgers.

On a pu comtempler la ville du haut de la Lion's head, une epine rocheuse qui fait partie de la chaine de montagne de Cape town avec la Table mountain, que je compare à tord avec les calanques... Je peux pas m empecher de comparer à Marseille, Cape town est comme elle, moche de loin, merveilleuse quand on s y interesse, l' air de ne pas y toucher avec ses beautés qu il faut découvrir, gratter un peu. Quand la brume se scotche a la table mountain on passe de la méditerannée à la cote west américaine.

J ai dormi chez un réalisateur de documentaire fan de photo de mode, dans le quartier de Gardens, et puis j ai passé le reste du temps à planter les bases de ma vie ici : les fringues pour l hiver qui arrive, le telephone portable...ainsi qu un 4x4 de location extrêmement cher, mais tant pis, prendre la bretelle aérienne de l autoroute en quittant la ville de nuit, lorsque tout s allume, et se sentir a Las Vegas dans sa voiture ca n a pas de prix...

 

 

 

Juin 2011,  escalader les grands espaces

 

J’écris avant que tout s’échappe. Parce que je suis rentrée, que hier c’était Cap Town et Dubaï, qu’ aujourd hui c est Paris et que demain c’est Marseille. Et que si je ne partage pas, que si je n’ écris pas,  j’aurais juste l impression d avoir rêvé. Et qu il faut se souvenir.

 

J’ai vu. J’ai enfin senti cette Afrique du Sud qui me narguait pendant que je trépignait à Kleinbaai. Dans mon 4x4 je quitte Gaansbaai, DVD gravés, films encodés dans tous les formats existants, copiés sur sur tous les ordinateurs de la compagnie. Je hurle au volant. Je suis libre.

 

Arrivée à Cape town, je me retrouve bloquée sur le balcon du backpacker et mon sauveur, Q, ne fera pas que m'ouvrir la porte, il va m'emener dans une soirée bouffe africaine avec ses amis, puis dans un karaoké, enfin dans un club gay à Greenpoint. Je suis heureuse de voir cette nouvelle middle class de toutes les couleurs, homos et hétéros, allant a 'université, se mélangeant avec la plus grande sagesse, prète à encaisser les erreurs du passé, prête à prendre la releve et construire l avenir ensemble.

 

Des son arrivée à l'aéroport, Clément est projetté au Cape of Good Hope, le bout du monde, avec Phil et ses deux potes américains qu on passe prendre à Muizenberg. Histoire de prendre l’afrique en pleine gueule des son premier jour, les babouins géants essaient d ouvrir les portes du 4x4, et puis des zèbres traversent la route dans la lumiere du soir.

White Shark Projects ne m a pas payée, alors ils m offrent des bons. Le lendemain j ai droit à deux plongées dans les forets de kelp à Simons Town. Julia et Julie, par quelques mètres de fond, observent, sur le cul, des dizaines de requins à 7 branchies. La vie foisonne dans l’eau trouble et froide, et les otaries, avec leurs yeux de peuchères, se contorsionnent, vivent l apesanteur, méprisent la 3D et inventent leur propre dimension. Je ris, je pleure leur grace dans mon masque. L’eau est froide, les otaries proches. Et puis parce que Phil l a dit, et ben Clément le fait, et ils plongent en slip.

 

On part vers le Nord le soir même, les cheveux mouillés, après avoir donné rendez vous aux pingouins pour notre fish n chips au coucher du soleil. La nuit sera froide dans la voiture, mais le réveil au pays de la Lune le vaut bien. Les Rocklands. Des formations rocheuses complêtement délirantes à l’infini. Le paradis du grimpeur. Ici on meurt d overdose de rocher, ici c est une grosse intraveineuse de cailloux. Moi je meurt à chaque seconde de frustration, de ne pas pouvoir escalader chaque rocher, de ne pas pouvoir me jetter dans chaque buisson, de ne pas pouvoir embrasser l espace de mes bras. Les crash pads sur le dos, les pieds écrasant le bush, on s emerveille sur le rocher creux, le rocher triangle, le rocher vagin, le rocher du rhinocéros. Clément réussit des jolis blocs. Cris de victoire au milieu des grands espaces vides, dans le vent qui souffle, le soleil qui écrase nos pas, la lumière qui danse sur les rochers. Les gens qu on rencontrera la bas, ne seront juste que les meilleurs au monde dans le domaine du bloc, et puis, ça tombe bien, il y a des lits de libres dans la grande maison qu ils louent. Les mains pleines de peuf, on mange des saussices seches, un carpaccio de spingbock, on vit plus vrai, on vit plus fort, et on monte en apesanteur.

 

Ensuite, la route, pour une petite boucle sur la carte de l’Afrique du sud, qui s avère être deux jours de voiture sans fin. Endless. A vue, autant de sol que de plafond, Arizona dream pour des routes droites à l’infini au milieu des cactus, où les nuages sont les seules rayures foncées à la surface de la planete.

 

On est de plus en plus fiers de notre 4x4. Ouais. Il est plein de terre jusqu au toit et il trimballe des kilos de boue au bas de caisse. Ouais. La classe. Des sprinbocks, des autruches à perte de sens commun, un fenec mort, et puis un nuage de criquets, le pic émotionnel de ma journée. Une panne d’essence au milieu de nulle part et Clément qui va chercher du fioul dans la ville ghetto la plus proche, à 40 km, en stop, tandis qu’apparement, je risque ma vie à attendre sur la route N1 qui connait le plus de crimes de la région…

 

Une bouteille de Pinotage plus tard, à refaire le monde. Des lits simples collés pour en faire des doubles, un T-bone et des breakfast au bacon. Du roobois.

 

Retour à Gaansbaai, derniers instants dans ma maison du trou du cul du monde. Clément fait sa premiere cage dive, et moi ma premiere sans la camera, pour apprecier avec mes yeux les formes, la texture de la peau, l oeil sans émotion de ces grands poissons pleins de dents. Je revois la baie, cette houle monstreuse que j oublierai jamais. Je prend dans mes bras l’équipe qui a été la mienne, fait les derniers sourires, et regarde partir le bateau qui quitte le port le lendemain.

 

Avant de partir Cape Town encore. On s’élance de Lions Head en parapente. C est une magnifique journée d hiver, et le froid tombe alors que l on vire de bord dans la baie au coucher du soleil, champagne à la main. La Table mountain passe du orange au bleu scintillant, j ai plus froid et je veut encore sentir les embruns alors qu on rentre au port. La derniere soiree se confond dans le mojito et la margharita, et sous les couvertures pourries du backpack d Antoine, dans le quartier de L’Observatory.

 

Ma vie bascule a la premiere personne et mes sentiments se brouillent comme mes 25kg de fringues sales dans mon sac, sur le parking du car wash. Je veux pleurer ce bonheur concentré, dormir et dessiner les contours de mes souvenirs qui fillent déjà. Je veux voir son avion qui part, mais là haut mon cerveau est en morceaux , il a explosé dans le ciel.

 


LA CENTRALE NUCLÉAIRE À SOURIRES

JOURNAL DE BORD DE LUMIÈRES ET DE PLONGÉES À BALI

03/02/2011 Padangbai, une semaine de sourires et de magie blanche

Voilà maintenant un peu plus d une semaine que je laisse le temps trainer a padangbai, ce petit port qui n a d autre but pour les touristes que la pongée et le ferry pour Lombok.
Je pensais rester quelques jours.
Et puis il y a d’abord le temps qui a ralenti, puis les appels du ferry pour Lombok, qui ont rythmé ma vie.
Tout se résume aux gens rencontrés, à la sensation de rentrer en profondeur dans leur monde, a vivre sur leur temps a eux, et a ressentir bien plus intensement.

Gede, un balinais, nous invite avec Nicolas, un francais en stage Niveau1 de plongée, a la cremation de sa grand mère à Klungkung. On est acceuilli avec la plus grande gentillesse du monde. C est pas un mythe, ici le sacré et le quotidien sont imbriqués l un dans l autre, régis par les mêmes gestes. Il est difficile d expliquer toute la simplicité de l existence, telle qu ils semblent la vivre. On s assoit sur les tombes, on sourit, on fume, on existe. Des dizaines de mains lavent le corps, oncles, tantes, enfants, freres et soeurs. Les mains deposent des fleurs, des offrandes, lui passent des bagues aux doigts. Les memes mains qui vont ensuite ramasser les cendres, le reste des os calcinés, les bénir et les envoyer a la riviere. La meme riviere où on lave son linge, et ou on se baignera apres la ceremonie. Tout part, tout revient.
Pendant le trajet jusqu au bringin (arbres sacrés immenses) je me met litteralement a frissonner de beauté. Tout mon corps vibre dans une seule direction : celle de mon sourire. Et puisqu on me le rend, j ai les larmes aux yeux de tant de couleurs, de vérité, de tous ces milliers de petits mondes enchevrétés dans les feuilles de bananier, piqués d encens, d épices, de douceur et de débrouille...si seulement nos enterrements etaient aussi beaux, aussi heureux.

Le temps se prélasse. Je lis, je pars une journée avec Anina faire un tour dans les montagnes, dessiner le temple de Besakit et se baigner dans les eaux fraiches de l ancien palais d'eau du roi de Tirtagangga. Je parle avec Agus sur la plage, écoute de l électro et regarde des photos sous marines avec lui au club, en chantant des chansons, en regardant Nada Cinta, leur Plus Belle La Vie, en buvant de l arak. On fait des allers retours a Klungkung voir Gede et sa famille en scooter, en roulant sous les cocotiers, en prenant le risque de depasser lorsque trois autres scooter contenant chacun 3,4 voire 5 membres de la meme famille nous suivent, et que deux camions remplis a raz bord de noix de coco et de cages a poulets sont en train de se doubler sur la voie d en face.
On fait la sieste et on prend le café chez le grand oncle de Gede, dans la maison familiale, sous le manguier. On passe l apres midi a Klungkung pour chercher les ingredients d’une recette strasbourgeoise, dont les lapins vivants, cuisinée chez Gede pour sa famille. On apprend le nom des étoile en balianais, je ne me rappelle que d Orion, « Bintang Tingale »

Je vais plonger deux fois, courant terrible et eau tres chargée a cause des pluies.
Cette semaine c etait aussi la danse du barong, sensée eloigner le mauvais sort de la ville par la transe. Tous en blancs, ces hommes sont projettés en avant, hurlant a la mort, bouffant des oeufs, des poussins vivants et se jettant dans le feu...la procession de masques et d histoires, d hommes en blanc, se deplace inlassablement tout la nuit benir tous les carrefours de Padangbai. Jusqu'à l’année prochaine, les démons ne pénètreront pas dans la ville.

Et puis pour couronner le tout j’ai organisé une bonne grosse fete comme on les connait sur la white sand beach, je vous passe les details de la recherche du groupe electrogene dans la jungle, à dos de scooter dans les flaques d’eau, en croisant les familles, nues, qui se lavent dans les rivières.

Il pleut, alors Agus va voir son grand-père, présumé le sorcier du village, avec de l’encens, pour faire arrêter la pluie. Je reste avec sa famille, a déguster des restes de poissons cuits aux épices dans des feuilles de bananier. La mère d’agus tente de m’apprende le nom des fleurs en balinais. Elle prépare des centaines d’ offrandes, pour les revendre à ceux qui n’ont pas le temps de les préparer. Une heure plus tard les nuages se dégagent, il revient avec ce sourire accusateur : « Tu vois ! Maintenant tu y crois à la magie blanche, hein ? »

 Rien de plus beau que les étoiles, cette nuit là, à danser les pieds dans l eau, qui s illumine de plancton...
 

10/02/2011 Des sensations psychédéliques a coté du temps,

des gilis a tulamben


Imaginez trois iles si petites qu on en fait le tour en une heure. A pied.
Trawangan, Meno, et Air.
On choisit Trawangan.
Imaginez le sable blanc, la mer turquoise et chaude, des vaguelettes pour les surfeurs debutants et plein de jolis sites de plongee.
Des warungs et des petites habitations, retranchees sur le cote est de l'île, d une part pour les touristes sur la berge, d autre part pour les vrais gens a l' interieur, des petites fermes dans les hauteurs, des femmes retournant des galettes de riz sur un feu de noix de coco, des palmeraies et des pecheurs.
Imaginez l absence de vehicules motorises, et juste des charrettes tires par des chevaux nains ou des velos.
Imaginez la vente libre de drogues douces et l absence de police. Imaginez maintenant trois grosses fetes par semaine auxquelles toute l'île est conviée...
Voila.

Maintenant vous pouvez comprendre le prelassement le plus total, l horizon a perte de vue tout le temps, l odeur du poulet fraichement tue sur la colline qui grille avec des epices tandis que j essaie de grimper aux cocotiers et que fabrice se regale de lait de coco. Vous pouvez ressentir l herbe sous les pieds nus de la colline pendant la chasse aux champignons, la sueur et le rire spychedelique qui en degouline, alors que le tonnerre gronde sur les iles d en face et que les eclairs font office de spot lights. Je hurle de rire.

Le seul point noir : toute cette charcuterie rose d 'australiens, dans leur piscine vue sur mer avec cockails et pouffiasses a l appui.

Fabrice fait plusieurs plongees. j en ferait que deux avec nicolas. Les departs sont toujours cools, meme lorsqu on a oublie de se lever et qu on a une heure et demi de retard. On part en reduit, avec des petits bateaux a balanciers. On est toujours seuls sur les sites. Saison des pluies oblige, fort courant et visibilite merdique. Mais on tombe sur des milliers de tortues, des requins, des seiches qui irrisent et qui restent avec nous longtemps, tres longtemps...sans parler des nudibranches, perroquets, balistes, baracudas, clowns rouges ou noirs, coraux mous etranges, rascasses...

Puis le mauvais temps nous empeche de rentrer avec le fast boat. Alors la journee entiere nous servira pour retourner a padangbai, par bateau a balancier d abord jusqua lombok, puis par bus jusqu au port, et enfin par ferry jusqu a padangbai (enfin, j appellerai plutot ca un tas de rouille, ou un ancien bac servant durant la guerre de 14 puis vendu aux russes pour faire des experiences sur le tetanos pendant la guerre froide) . Bon, 12h au total et 6 dans une houle aux creux de 3m. On etait prets avec fabrice a sortir les stabs pour les gonfler a la bouche, a cas ou, pendant que les balinais regardaient le thriller indo le plus mal joue de l histoire du thriller, tranquilles.

Puis le lendemain apres quelques formalites (declaration de vol  de mon téléphone a la police, tapee touche par touche par des abrutis analphabetes) nous voila partis avec fabrice pour la cote nord, de amed a permuteran. Previsions : une semaine de plongee a la geek. On se perd dans les montagnes pour aller a Tulamben, sur des routes qui ne sont memes plus des routes, et qui descendent, j exagere pas ! a plus de 45 degres... on s arrete pour boire de l arak a une cremation, on passe par des rizieres , toutes plus belles les unes que les autres, avec ces nuances de vert, vert profond, fluo, vert mouille, vert sale, vert, vert, vert encore...
 

 

17/02/2011 Road trip hydrodynamique, plongées en road trip

 

Nous voila sur la route de la cote nord, notre matos de plongee arnaché a l arriere de nos scooters.
Tulamben et son petit club de plongee a la roots nous laissera les meilleurs souvenirs. Peut etre quelqus unes des plus belles plongees de ma vie. C’est un petit club qui fait losmen, internet cafe quand il n y a pas de coupure electrique, et tanbouille en meme temps, avec plein d autres jeunes plongeurs, norgeviens, canadiens, francais et belges.

On va de l autre cote de la route et on plonge du bord, les bouteilles empillees dans le mini van. C’est a la geek , 4 plongees par jour...fabrice est pas loin du compte, pour ma part, je considere que je suis en vacances...
 

A corral reef, un requin, et plein de jolies petites choses. Le volcan Agung étant juste au dessus, les coulees ont forme le paysage jusqu a des centaines de metres. Nous, on s est arretes a 60. Sensation ultime d etre les seuls qui bougeons dans ce monde immobile, froid, sombre et inviole... une narcose merveilleuse, un fou rire embrumé. La pression a casse le caisson de l appareil photo de fabrice, le mien a resiste j ai meme pu prendre une photo de mon ordi affichant les 60m!  ca c est fait.
Et puis il y a la magnifique epave du liberty de 100m, coulee par les japonais remise a l eau par l eruption du volcan agung.

On a evolue en apesanteur, entre les calles et la proue, descendant le long de la coque monstrueuse, recouvertes de concretions de corails et de milliers cachettes a poissons. on contourne, survole, et puis au loin un requin. Derriere un morceau de carcasse, un barracuda gigantesque, sorti tout droit du paleolitique, avec sa gueule pleine de grosses dents, qui nous regarde, a un metre de nous. Et puis pour faire notre palier, dans 5m d eau, le cul pose sur l etrave du liberty, un banc de milliers de carangues argentees se met a tourner autour de nous, illuminees de soleil. la tete a l interieur d une boule a facette.

Malheuresement, ses souvenirs restent dans nos tetes. Parce que fabrice n a plus de caisson et que mon appareil photo a rendu l ame (il etait pas au top de sa forme en partant, l humidite aura eu raison de lui.) Je me jette maintenant sur tous les appareil argentiques pourris que je trouve, des jetables au super "lucky SV300" a piles avec flash integre! youhou! C est l experience de materialisme la plus difficile et la plus etrange de ma vie, photographiquement. Laisser toutes ces belles couleurs au fond de ma tete et sur des pellicules aleatoires, sans moyen de changer de focale ou de filtre, cest une torture.

Surtout que les paysages defilent.
On part de Tulamben avec Emilie, une belge jeune plongeuse qui a le meme trajet que nous. On partage une chambre trop classe a Amed. Ca durera pas longtemps puisque ca passe pas du tout avec fabrice, le premier soir. Crise de larmes et hysterie, emilie repartira le lendemain et on en est bien contents...

A Amed on fait du snorkelling sur une petite epave japonaise qui baigne dans une quinzaine de metres d eau . On se balade au hasard des chemins, prenant vers la jungle, ou une route paumee qui sort d un village. Belles surprises, comme cette riviere perdue dans la foret, aux cotes d une ferme aux cochons noirs, et puis de belles rencontres de familles preparant Nyopi en construisant ces enormes statues de papier mache. Comme a chaque fois, comme toujours, on nous demande dou on vient et ou on va, pour nous situer dans le cosmos, et puis on nous invite sur le perron de la maison, pour boire le cafe et manger des bananes. On a l impression qu a bali on pourrait passer notre vie a aller de maisons en maisons, de familles en familles, boire des cafe et manger des bananes...

La route se poursuit a Lovina, ou lon se trempe les fesses dans des sources d eau fraiche a midi, et puis dans des sources d eau chaude le soir. L eau sulfureuse ralenti les battements de coeur, la lune monte derriere les cocotiers, les indos font les imbeciles et fument des clopes au clou de girofle, sous l eau tiede qui sort de la gueule de garuda.
Quand je sors des bains on ma pique mes tongs, forcement. Je jubile a passer la soiree jusquau lendemain, tard, sans chaussures. Vraiment, un regal de liberte. Je jubile moins de l otite choppee la bas. Mais les anti inflammatoires locaux auront raison d elle, plus que des dolipranes.

La route est rigolote, toujours surprenante, trouee, mouillee ou douce. Regards et fous rires echanges dans le retroviseur pour une degaine d indonesien pas cernable avec sa casserole en guise de casque ou des epi de mais en guise de rond point. Manoeuvres in extremis entre deux camions, pieds entierement recouverts par le torrent sur la route lors de la pluie infernale, moustiques dans les yeux, regards intrigues lorsqu on demande une direction et trois bras indiquant trois directions differentes et trois doigts leves pour deux kilometres...

Singaraja, deuxieme ville de bali, plus musulmane. La ville, fascinante, qui empille les beautes d aujourd hui sur les immodices de la veille. On a l impression detre au bled en mangeant sur le marche, cest rigolo.

Plus on s enfonce vers le nord et moins il y a de gens, plus on penetre le bali discret et reserve, calme.
Permuteran, l extreme nord ouest de l ile. On ira plonger la journee, avec un petit bateau et des divemasters completements fous, sur la petite petite ile de Menjagan, parc naturel, entouree de tombants vertigineux et de plus de gorgones que je n en ai jamais imagine, avec des nudibranches et danseuses espagnoles. grandiose.

26/02/2011 Demons ; dieux et delices , acte final en 3D

J’ai reve, dans le creux d une montagne, a la tombee de la nuit.
Degong music dans l air et la brume qui tombe sur le haut des portes du sanctuaire. Des gens descendent, tous en blanc, comme s ils volaient, sur les marches pleines de mousse. Je reve. Les dieux ont appuye sur pause, je pleure. Je seche mes larmes sur le scooter, merci, c est trop beau.Tout va de plus en plus vite, et nous sommes alles de plus en plus profond, de plus en plus loin.

Une halte pour grimper les 700 marches d un temple, ou pour aller voir des cascades au souffle devastateur de ce qui me restait de sec en vetements.
Ubud, la ville bobo (lieux des peintres et danseurs, mais bobo a souhait, on se demande pas pourquoi tant de francais resident ici...) et ses dedalles, ce labyrinthe de curiosites touristiques aux milles terrasses, terrains, chemins dalles et restaurants atypiques, nous a peu seduits, si ce n est que l on s y est perdu souvent, qu on a eu de jolies surprises, et pour ma part, que j ai dansé!

Le matin je me levais pour mon cours de danse. J ai appris a tout bloquer, relacher parfois, a rouler et corriger le regard. Et puis le soir, j enviais ces hommes et ces femmes qui suspendaient les secondes et les gestes, qui jouent le contretemps, qui emploient leur magie a deconstruire le monde du rythme, avec autant de precision et de grace. On peut parler de notre musique, de notre danse, qui ne jure que par la surcharge baroque, sucree, ecoeurante de l harmonie. Notre musique qui a reussi a jouer le decale que maintenant avec la danse contemporaine et l experimental. Eux, ils ont invente la tribe avec la bouche et le break dance avec les dieux, depuis longtemps. Alors je regarde les marionettes desarticulees qui transforment la realite en etrange, et je reproduis, je contracte les muscles de mes mains et de mes pieds.
Ubud, c est aussi manger du babi guling (cochon a la broche farci) et puis tirta empul, le temple aux sources sacrees. parait il que l eau nous donne la jeunesse eternelle. rides ou pas, c est dans le silence que j ai recite le soutra, baignant dans les fleurs, et m aspergeant d eau fraiche.

Le lendemain il fait beau, je me balade pieds nus sous le soleil dans la boue des rizieres. Je coure dans l herbe mouillee, Fabrice prend des photos, et puis j aide mika, une petite vielle d 1m40 a mettre ses 40kg de recolte sur son dos. Le soir tombe, a cette heure la lumiere mange mes yeux, eclabousse en dore, en fluo, les silouhetes et les flaques d eau. C est beau la campagne. Ce soir on a vu un spectacle de Kacek, une trentaine d hommes torses nus qui font litteralement de la techno avec leur bouche, sur des rythmes repetitifs et lancinants, qui font de la transe auditive et visuelle, avec leurs milliers de mains et de torches enflammees.

Le scooter, encore cet air chaud qui glisse sur le visage, un arret nostalgique au bord de mer en sirotant une noix de coco a la tombee de la nuit, pour le dernier trajet du road trip. Boucler la boucle a padangbai, a la maison comme on pourrait dire, chez made homestay, pour une derniere nuit.

Le bateau pour Nusa Penida. L ile aux demons, l ile mysterieuse. Magique. En face de Bali, et pourtant si loin, comme si le temps l avait oubliee, et les touristes aussi. A Nusa Penida on parle pas anglais, peu indonesien, beaucoup plus le balinais, mais surtout le bahasa nusa, le langage de l ile. Voila. C est dit. Et nous on est forces d apprendre vite. Fabrice se debrouille tres bien, et c est avec de petits succes qu on demande l heure, les directions, qu on marchande ou meme, qu on commence des conversations, en indo-balinais.
Sauvage, les falaises eclatees au vent et aux forts courants, penida nous donne la liberte, elle nous offre la vie tranquille, secrete, de ses habitants. On assistera a la ceremonie de conversion d une musulmane en indoue : les petits gateaux, les sourires, les cigarettes, les jets d eau sur les tetes, les fleurs dans les cheveux, et les mots sacres du pretre, sonnes a mi-voix, a mi-coeur pour la nouvelle pratiquante, aux cotes de sa nouvelle famille et mari.
On est tellement libres qu on seuls sur la route, on est dans mario kart sur le scooter. Les tapages dans les mains des gamains rapportent beaucoup de points mais le bonus, ce sont les hommes-bananes, les hommes-arbres, qui charrient la recolte de sa journee sur leur tete devenue invisible.
Penida nous offre son temple cache dans le ventre de la colline. On penetre sous terre par un tout petit trou, on se recroqueville, et puis on debouche dans un espace immense. Au fond, dans la penombre, le son de nos pas qui resonnent, des autels eclaires par trois ampoules, et la cloche du pretre qui recite. On devient le silence, l obscurite, l air est lourd, calme.
Et puis l envie de crier comme les vagues, d ecarter les bras et de toucher les falaises, d etre comme l ile, qui s impose, imperiale, aux elements. On a le cul dans l eau fraiche, a mi paroi, et on est libres, la, sur l ile.

Quelle n est pas notre surprise de decouvrir nusa lembogan, quasiment rattachee a penida, pleine de touristes. Nous qui debarquons avec les femmes et les paniers du marche, le choc est rude. Mais les plongees magnifiques. Des prairies de corails vallonnees, et des milliards de couleurs qui fretillent, foisonnantes, exposees aux courants, a la vie charriee par l eau. On decouvrira encore penida, vue du bateau, belle, toujours. Comme dit Fabrice, cette ile a une odeur, acidulee, de liberte et de magie.

Retour sur Bali. Sanur puis Kuta. Ce sont les derniers fremissements du voyage, moment adieux. On retrouve ces lieux du depart, les conneries ambulantes et la frenesie de la ville, ainsi que notre ami Zeroo, fidele a son poste, sur la plage.
Derniers parcours en scooter, pour tanah lot, le temple sur la mer, au nord, une vraie industrie touristique, a mi chemin entre l aeroport et le centre commercial. Demain, le bukit, la peninsule au sud. On finira surement a Jimbaran manger du poisson au coucher du soleil, a boire de l arak avant de prendre l avion.

Nous allons donc quitter cette ile ou les dieux renouvellent le bail pour l eternite. Ce reve en technicolor, cette centrale nucleaire a sourires ou l on apprend a prendre le temps, on l on apprend a retenir son souffle pour mieux le relacher, ou l on apprend a rever eveille. J ai les larmes aux yeux mais je reve encore, Bali c est trop beau, ca peut pas etre vrai, surtout, ne me pincez pas, je reviens...
 

 

27/02/2011 Juste avant de partir.

 

Mon cœur enfle. La nuit tombe et je m’endors sur le dos de Fabrice, sur le scooter. On file dans l’air chaud, on défile dans le traffic anarchique. Je ferme les yeux et répertorie ce qui va me manquer. Les petites choses, l’air de rien. L’odeur des offrandes, les bouteilles de vodka remplies de benzin pour faire le plein, les scènes de vie, dans les échoppes, les warungs. Le son d’une cérémonie derrière un mur. Le nasi goreng et les chips aux petits pois.

Mon cœur enfle, enfle, encore.

 

Les images perdues sonnent comme un vide à manquer, et je vois Fabrice baignant dans le reflet du soleil, tête baissée, bras écartés, paumes tendues vers la mer, sur la falaise à Nusa Penida. Je revois ma prière dans les fleurs aux sources sacrées, mes pieds nus dans les rizières. Je vois ma posture sur l’énorme raçine de crystal bay et mon sourire matinal dans le bateau chargé du marché pour Lembongan. Je revois ma tasse de thé sur le bateau avant la plongée. Les silouhêtes se dessinant sur le magnifique jardin de l’Arma, pendant mon cours de danse. Le masque de Raksasak porté et partagé avec les habitants de Nusa Penida.

Mon cœur enfle.

 

Les dieux nous infligent de perdre nos souvenirs, un jour. Et pourtant je dis merci.

Pour cette magnifique dernière journée, pour cette soirée passée à se chanter dans la figure.Pour les pétales de soleil qui dansent sur les rochers d’Uluwatu, dans la grotte d’eau et de lumière. Pour le plongeon dans l’eau opaque, turquoise et tumulteuse, la façon tendre dont Fabrice m’a regardée au réveil, son sourire qui pleure de nostalgie et de vérité, la puissance des moments simples, beaux, justes, passés ici. Mon cœur me lance.

Merci pour les singes qui sautent dans l’eau, le policier à qui on a échappé, les parties d’échecs, nos pas cérémoniaux et silencieux du dernier jour, à travers la végétation du temple d’uluwatu.

 

Merci pour la lumière qui suinte de partout, qui éclabousse mon cerveau embrouillé et pour les derniers rayons de soleil de Bali, léchés jusqu’à la dernière goutte, les larmes pleins les yeux, sur la falaise.

Merci pour le dernier repas à Jimbaran, pour nos cœurs enflés, prêts à éclater, comme toutes ces lueurs qui dansent dans la nuit chaude.

J’ai mal de te quitter, Bali.

PLONGER DANS LA DIFFERENCE

JOURNAL DE BORD DE FILMS ET DE LUMIÈRE EN ÉGYPTE

 

25 Janvier 2008. Quotidien et travail d’arabe

 

Peu de nouvelles, bonnes nouvelles dit on, heuresement c’est mon cas, un peu forcé par la coupure internet de ces derniers jours, et oui ici l’électricité, l’eau, comme internet peuvent s’arrêter pendant plusieurs heures , voire plusieurs jours…

Alors, comment se passe ma vie ici me demandera t on, après un Canada froid et chaleureux à la fois, et un film qui m’a pris beaucoup de mon coeur,  un retour fulgurant et rassurant en France auprès des miens,  et maintenant une adaptation qui se devait d’être rapide dans ce pays chaud, dans la maison d’un autre, pour faire un job que jamais je n’avais fait ?

Sébastien, le type que je remplace, est parti le 21 janvier, en me laissant son chat et son appart luxueux jusqu’au 30 mars…deux mois et demi…

Je vais filmer les touristes venant plonger en mer rouge, au dessus et au dessous de l’eau, et pour gagner ma croute, je leur vendrai à la fin de leurs journée un super DVD monté et gravé par mes soins.

Tout d’abord, la vie. Hurghada c’est le st tropez de l’Egypte, si à Sharm el Sheik il y a 50 casinos et 800 hotels, Hurghada ne devrait pas tarder à atteindre les mêmes chiffres. Il y a à peine 5 ans, les 300 bornes de côte possédaient un hotel tous les 100 kilomètres. Maintenant il n’existe plus une seule plage qui ne soit pas accessible depuis un hotel, plus un seul centimetre carré de côte qui se soit pas construit. Ici beaucoup de nouveaux riches russes, irrespectueux et bourrés toute la journée, d’italiens, de francais, de suèdois. La mode est au bikini et à la mini jupe, dans un pays arabo mulsulman où 90 % des femmes sont voilées. On trouve de jolis contrastes à Mc Do… Evidemnent, les trois quarts de la ville n’ont rien d’authentique. Hotels, restaurants, karaokés, bars (peu fréquentés par les égyptiens qui ne boivent pas d’alcool) et boutiques attrappes couillons vendant exactement les mêmes choses sur plusieurs kilometres. En fait, la night life d’Hurghada donne envie de se mettre des doigts tres profond dans la gorge.

La circulation, par contre, reste égyptienne. En un mot,  chaotique. On double à gauche, à droite, on oublie la code de la route. La nuit on allume pas les phares (mais pourquooooiii???) on les allumes juste pour se signaler à celui de devant qu’on arrive en l’éblouissant avant de passer, et la journée on klaxonne. On se déplace en taxi parce que ça coute pas cher….quand on connait les tarifs! Parce qu’ici, pas de compteurs, c’est le type qui dit combien, quand c’est pas toi. Toujours recompter la monnaie, j’ai meme falli me faire soutirer 20 livres égyptiennes au Mc Do!

Les égytiens trouvent tous les moyens possibles, au mieux pour vous demander en mariage, au pire pour vous mettre la main au panier. J’ai fini par trouver la tactique : je me suis acheté une bague et je raconte que je suis marriée à un certain Mohammed Amada…Après ça ils disent plus rien, la solidarité masculine l’exige.

J’essaie d’apprendre l’arabe, et franchement, c’est pas si compliqué que ça. Beaucoup de syllables qui se ressembent, c’est ça qui est difficile. J’arrive à écrire quelques mots, à déffricher les emballages, même si je ne comprend pas encore ce que je lis, j’arrive à répondre aux questions courantes des marins sur le bateau, et à compter.

 

29 Janvier Une journée comme une autre sur le Sea Star

 

Lever 7h30 pour aller prendre mon taxi quotidien en compagnie de moniteurs du club.

8hoo dans le restaurant de l’hotel à coté du club de plongée, déjeuner occidental, les pauvres clients mourraient surement d’intoxication alimentaire sinon…

8h30 dans le club de plongée, preparation des affaires, shecking des listes de touristes sur les différents bateaux pour voir lesquels seront les plus rentables (groupes de jeunes, de vieux, couples, debutants ou confirmés) je vous cacherai pas que le mieux reste le couple de vieux debutants!

9h00 j’ai embarqué sur ledit bateau avec mes affaires de plongée, ma camera, mon ordi portable, mon caisson étanche. Tout de suite je commence par me presenter aux gens, que je suis le cameraman de blue lagoon et que je vais leur vendre un dvd…commence alors une série de plans d’introduction, depart du bateau, bouteilles de plongée, écume, nom du bateau, logo blue lagoon, puis les têtes de gens lors du briefging de plongée, avec des plans de coupe du moniteur fesant des demonstrations de comment mettre son masque, comment respirer dans l’embout…

 

Le bateau ralentit, on arrive, après trois quart d’heure de navigation. C’est le moment pour se preparer plus vite que tout le monde. Combi qui colle ou froide, capuche, ordi de plongée, masque, bloc prêt avec la stab gonflée, la bouteille ouverte, le plomb à l’intérieur des poches. Je filme les gens qui enfilent leurs combis, qui passent la stab, qui se mettent à l’eau.

Une fois qu’ils sont partis je plonge, après m’être tenue au courant de la topographie du site (effectivement je plonge seule…) pour retrouver le bateau (le nord est par là parce que le soleil est dans mon dos, le courant me porte par ici, la patate de corail est bien après l’amemone avec les deux poissons clowns à une profondeur de 8m….) et c’est parti pour la plus grande course poursuite de la journée, à palmer deux fois plus que les moniteurs entre les aller retours entre chaque groupe qui plonge (desfois 13 plongeurs dans des directions différentes…) et le fait de toujours devoir les devancer pour les prendre de face afin qui se reconnaissent (en plus avec un masque il devient difficile de reconnaitre les gens de son bateau…) sans compter qu’il faut controler son propre materiel, verifier son air, filmer les poissons comme il faut, tout ça en fesant du tourné-monté…oui, oui…

 

Une fois remontée à bord je speede pour me désequiper, sècher le caisson et sortir la caméra avant que le dernier groupe ne remonte afin de le fimer alors qu’ils remontent l’échelle.

Puis direction le carré où j’allume l’ordi, sors les cables et capture les vingts minutes de film de la matinee en se sèchant les doigts et les cheveux pour pas que ça coule sur les touches.

Pendant la capture les gens mangent, le truc est d’arriver à les interesser dès ce moment là. La table se débarasse, j’ai fini ce qu’on pourrait appeller un montage, posage de musique et d’un titre , de deux fondus au noir. Exportation .

 

Je pars réveiller les touristes qui dorment au soleil sur le pont supérieur. Animation de la scéance malgré les marins égyptiens qui hurlent parce que le bateau se déplace pour la plongée de l’après midi. Puis marketing. Aller, achetez mon dvd, il est beau, il est bien. Puis grand moment de solitude où on attend que les touristes se décident. Des fois, rien. Desfois, malgré les apparences, plein.

 

La plongée de l’après midi depend de ceux qui prennent le dvd. Le soir il faut retoucher le film, faire des plans de coupe interessants de poissons, et graver le tout avec un menu et des bonus. Parfois je trouve un peu de temps et d’énergie pour aller boire un verre ou regarder un film egyptien avec les moniteurs du club, chez Hussein et Mahrmoud, pendant qu’ils m’offrent le thé et fument du shit.

 

2 Février Les dauphins, le sinaï, ma mère et moi

 

Je suis en vacances ce jour là. La caméra est restée au port. Je ne veux même pas plonger, juste être sur la mer, juste penser qu’avec le soleil, ils sont ma maison.

Penchée sur le bastinguage, je regarde les bulles exploser à la surface. C’est ma mère qui rentre de plongée, bientôt, elle s’accrochera au pendant du bateau pour faire son palier.

Soudain un marin saute de la timonerie et crie : « dolphins ! dolphins ! »  Bordel sur le pont, les touristes se déchainent, c’est le moment de tout mettre en œuvre pour rater avec enthousiasme ce magnifique moment à l’aide de leurs appareils photo. Ils se rapprochent beaucoup plus qu’à l’habitude. Pas le temps d’enfiler la combi et de me mettre une bouteille sur le dos.

Je choppe mes palmes, masque et tuba, et je nage vers eux. C,est un groupe de huit dauphins qui tournent autour du bateau.. Je me retrouve seule, avec ces gros animaux, gracieux, agiles, puissants. Je suis tellement près que je vois leur petites dents que je peux les fixer dans les yeux, ils sont à quelques centimetres de mes doigts, se reculant juste de ce qu’il faut pour ne pas qu’il y ait contact. Je tourne dans un sens, ils tournent avec moi, je change de sens, ils changent aussi, ils veulent jouer, prennent des morceaux de cordes trouvées ça et là, et s’amusent à se l’envoyer. Je pourrais presque jouer avec eux, mais je suis une éléphant dans un magasin de procelaine. Ils descendent voir ma mere qui observe la scène, immobile, à dix metres en dessous, puis reviennent me voir à la surface pendant 20 minutes, peut être une demi heure, le temps ne se mesure plus. Je reste, là, sans penser à rien, juste tester de me rapprocher toujours plus à chaque minute, un frisson lorsque un de la troupe me fonce dessus pour ensuite se rabattre au dernier moment, pour jouer. Ces grosses bêtes pourraient me tuer s’ils en avaient envie… Moment magique, sensation de l’eau qui caresse la peau si souvent séparée par la combinaison, le silence, sans être entrecoupé par les bruits de ma respiration dans le détendeur, le cliquetis des dauphins qui se parlent, leur proximité, presque une intimité, un moment qu’ils ont bien voulu m’offrir.

 

Je profite ensuite d’un de mes jours de congé pour traverser la mer rouge avec ma mere et retrouver le sinaï, juste en face. Une journée pour aller escalader le mont moïse, dans le desert, à 2280 m d’altitude, là où le prophète aurait reçu les dix commandements de Dieu,  le fondement des trois religions qui commandent le monde. Récit biblique datant de 5ooo ans. Deux heures de route à travers le desert de rochers, rouges, verts, jaunes. Comme partout en Égypte, tout sent la poussière, la terre. Les rochers changent, mais aucun repère de proportion dans ces rochers, on n’arrive jamais à determiner les distances, le dénivelé. Trois heures de marche avec Nasser, notre guide imposé à St Catherine, la Lourde de l’Égypte. Chameaux à touristes et boutiques inévitables.

Mais là haut, plus personne. Juste l’envie de rester, de comtempler le desert vu de haut, les montagnes rouges avoisinnantes, le silence. J ‘ai tellement envie de rester, de comprendre cette sensation mystique qui m’emplit…mais il faut repartir.

10 Fevrier Un jus de canne

 

La circulation est incessante. La poussière remue tout sur son passage et je ne suis pas prête de trouver ce que je cherche. Les rues étoites, en terre battue, de El-gar-dahka, la vraie ville d’hurghada, grouillent de monde, chargé de sac de riz, de poulets, de tour d’ordinateurs, de journaux ou d’épis de maïs. Il doit être midi, le soleil tape fort, et j ‘ai chaud dans mes vétêments qui me couvrent les jambes et les épaules. Mes pupillent ne se ferment pas assez avec toute cette lumière, j’ai mal aux yeux. Tout est blanc.

 

Il me faut du polish pour voiture. J’en ai jamais acheté en France, je ne sais pas à quoi ca ressemble, encore moins en Égypte. Apparement, après avoir étalé le produit sur le dôme de mon caisson pendant des heures, il est possible d’enlever certaines rayures qui déchirent mes images en contrejour. En y repensant je me dis que mon entreprise me semble désespérée et je met à errer dans les rues, tout en essayant de ne pas faire attention à tous ces regards sur mon passage.

Dans mon dos j’entend alors « Amada ! amada ! »

 

C’est Mohammed, dit « Sharon », le beau capitaine du sea star. Il doit avoir la cinquantaine. Il est toujours élégant dans ses djellabas blanches, avec son turban et son regard fier. Il ne parle pas anglais, ni francais, ni aucune autre langue que l’égyptien. Sharon a l’air de beaucoup m’apprécier, il me fait des grimaces, ou toutes sortes de blagues qui peuvent être comprises sans parler. Il m’appelle « amada » depuis qu’il a comprit que ma bague et mon mariage à Mohamed Amada était un prétexte pour être tranquille. Ca l’a beaucoup fait rigoler.

Il me demande par gestes ce que je fais là. Entreprise encore plus que désespérée de lui expliquer. Je montre les voitures, fait des gestes dans tous les sens. Sharon m’amène dans une épicerie, puis dans une librarie, puis dans un garage. Chaque fois il faut réexpliquer et c’est le calvaire. Enfin, je trouve ce qui semble être mon bonheur dans une droguerie.

Sharon est content, il aurait peut être fait deux fois l’ascension du SinaÏ pour me trouver une boîte de pois chiches.

 

Il tient à m’offrir à boire et me traîne dans une sorte de snack, rempli d’hommes qui sirotent le thé et qui fument la chicha. Derrière le comptoir un type prend des cannes à sucre et les presse dans une grosse machine. Sharon m’incite à goûter. C’est délicieux.

Ses yeux rient et pleurent toujours tout à la fois. Au club on m’a dit qu’il n’avait pas de femme ni d’enfant. Je dois être sa protègée, et je suis bien désolée de ne pas pouvoir lui parler. Je reste là, à faire les yeux ronds de plaisir aux gorgées que je bois, à regarder mes pieds et à dire merci. Quand bien même il parlerait ma langue, je reste une femme, blanche, jeune, et lui un Égyptien, un homme, vieux. Je vois bien qu’il prend sur lui tous les regards de ses connaissances, de ses voisins, lorsque nous marchons côte à côte dans les ruelles. J’ai envie de pleurer et de rire, moi aussi, par dessus les interdits, les mœurs, les burkas, les étals du marché, et sa main qui s’efface dans la poussière quand il me dit aurevoir.

 

Mai 2012. Postface. Retour sur mon temps égyptien.

 

Je rentre dans mes pantoufles. J’ai plus de souvenirs que si j’avais mille ans.

Le réveil sonne, mes cheveux sont encore mouillés de la veille, et il y a l’appel à la prière au loin. Une culotte dans la poche, la caméra sur l’épaule, le caisson à la main. L’œuf dur, les crêpes et le thé noir. Le foul. Sabbah El Reir. Chokran. Tammam.

Le détendeur, les breifeings, l’odeur du fioul et le tanguage du bateau.

Cette terre poussièreuse, les horizons hagars, désolés, muets. Des pâtés de constructions inachevés, posés au hasard de l’espace. L’Égypte, une construction de Dieu aléatoire, un terrain vague d’hotels. Du sucre, des prières et de la techno pour oublier tout ce vide.

Juste, parfois, on est transcendés par la lumière, translucide. La douceur de l’air doré à l’appel de la prière. La lune à l’envers. Des mots en arabe. Le thé et les quartiers d’orange, les nuées de poissons qui éclatent, les reflets de la surface.

Je vis encore une fois ici, comme avant. Le temps n’est plus aux bilans, Il est au temps qui passe, aux habitudes qui se prennent au bout du monde.

 

Mon passeport compte 6 visas égyptiens, ils se sont accumulés entre 2008 et 2012 et je ne pense pas que ce sont les derniers. Les textes parlent d’Hurghada, d’Assouan, du Sinaï, mais les photos montrent aussi la Jordanie, Taba, Marsa Alam et Sagafa. Mes sensations restent partout les mêmes dans ce pays unique, doré et poussièreux. En vacances, en famille, en amoureux, pour le travail, enthousiaste ou la peur au ventre j ai fait 6 fois l’aller retour entre le Nil et la Méditerrannée. Les textes qui suivent ont été écrits lors de mon premier voyage.

 

 

20 Février  Mer rouge, touristes et thé brulant

 

Si vous saviez comme il est difficile d’exprimer avec des mots toutes les couleurs que j’ai vues ces dernières semaines… La couleur bleue, avant tout, celle contre qui je me bat afin de montrer un peu de rouge au fond de la mer! Un bleu qui prend toutes les apparences, qui se change en verre transparent sous la surface, en rose miroir en fin d’après midi, en écume le long du bateau, en bleu du ciel…Quand je remonte sur le pont l’après midi, et si l’on est pas pressés pour la deuxième plongée, alors le temps de la sieste devient celui où l’on se sent invulnérables, totalement insouciants. Oui le temps s’étire, ici, personne ne peut venir, on est au milieu de l’océan, sous le soleil, on plonge dans cette mer si calme qu’on dirai une piscine, on nage sous la surface à l’envers, histoire de perdre ses répères et de contempler  le miroir étincellant de l’eau avec la vitesse. On se sent comme l’été, on croque dans un quartier d’ orange, le bateau a des allures de vieux jazz, on pourrait prendre une photo polaroïd. Les gens qu’on rencontre sont tous interessants, enfants tyranniques, vieux téméraires nous montrant qu’on peut encore faire le grand écart à 82 ans, solitaires, familles nombreuses et bruyantes, jeunes dynamiques ou nonchalants, passionnés de photo qui te collent pendant la pause déjeuner ou au contraire t’ignorent, militaires enchantés par le cinéma expérimental, divorcés cherchant l’âme soeur, travellers qui parcourent le monde, jeunes des cités émerveillés par les poissons…

 

Tous interessants, et pourtant, ils nous fatiguent les touristes… Les questions comme “Mais vous êtes surs que je vais arriver à respirer?”, ou “Mais là ya beaucoup de vent, vous pensez que ça va aller sous l’eau?” Ou la question incroyable posée aux moniteurs : “Mais là, vous êtes en vacances, vous faites quoi sinon?”. Pour moi il y a “Mais ce caisson (étanche), il vraiment étanche?” (Non, non, je met un sac en plastique autour pour que ça soit VRAIMENT étanche) “Ah mais vous plongez aussi?” (Bah oui si tu veux que je te filme je vais pas le faire de la surface…) “Non, mais vous comprenez, il est vachement bien votre dvd mais je vais acheter un appareil photo étanche, ça sera mieux” ou “Non mais vous comprenez, c’est pas qu’il est pas bien ce dvd, mais ma femme a prévu de faire du shopping alors…” (Bah oui va donc acheter des pyramides en plastique et des fausses babouches…)

 

Bon jours , mauvais jours, belles images…

 

La lumière en dessous, lorsqu’elle filtre dans les bulles, qu’elle éclate en contre jour à travers les rochers, la couleur des rayures blanches fluo, presque ultraviolet, qu’ont les poissons clowns! J’attend sous le bateau que les clients rentrent de la plongée. Alors je reste parfaitement immobile, entre deux eaux, et j’inspecte sous les rochers pour dénicher une rascasse volante, un poulpe ou une murène. Je m’arrête de respirer, sans bulles les poissons approchent plus près, et puis j’écoute le silence. Les pieds en l’air ou à l’horizontale, je contre la gravité avec mes poumons en guise de ballast.

 

Et puis il y a cette sensation de fin d’après midi, quand le soleil, les couleurs, le vent, l’humiditité ne font qu’un. Tout est orange, doux, frais. La lumière vient raser la mer et explose dans les yeux. Je respire le sel, ma peau humide va bientôt redevenir sèche et rugueuse, mais pas encore. Tous les détails deviennent plus nets, comme si on fesait la mise au point sur tout ce qui nous entoure, parce chaque petite chose devient belle dans l’éclat du soir, dans cette fin de journée bien remplie, fatiguante. La peinture écaillée de la coque, le thé égyptien qui tombe au fond du verre couleur d’ambre chaude, la brise qui caresse le visage, le sol mouillé sous les pieds nus, le carré des marins confortable où l’on fait la sieste…En longeant les côtes on entend le minaré, au loin, et Yasser et sorti sur le pont faire sa prière.

 

25 Février Voyage à assouan

 

La couleur marron soleil, comme je l’appelle, cette couleur de terre, de poussière, de sable qui recouvre tout, celle-là on l’a vue avec Jérôme pendant notre voyage à Assouan. Le thé et les fêves dont raffolent les Égyptiens ont la même couleur. 10h de bus pour 5oo bornes de trajet au bord de la mer rouge d’abord, puis dans le désert, enfin de long du Nil. “L’Égypte est un don du Nil” quelqu’un a dit. Vraiment pas sans raison. 90 % des terres de l’Égypte, c’est des cailloux et du sable, sauf le long du Nil. Des cultures de partout, avec charrettes tirées par des ânes tout au long de la route, ce vert presque fluo de la vie qui émerge au bord du fleuve.

 

Et puis je suis tombée amoureuse d’Assouan, c’est comme si je le savait déjà avant d’arriver. Assouan c’est la ville de la Nubie, cette région qui fait transition entre le monde arabe et africain, les gens sont d’ailleurs métissés. Dans le paysage, tout se confond, tout est harmonieux, c’est ce Nil qu’on a décrit dans les décors des milles et une nuit : désert jaune aride, végétation qui a soif de vie, ces palmiers qui se dressent par centaines le long du fleuve, des multitudes de petits dériveurs avec leur voile unique et immense, blanche, qui avancent lentement, les felouques. Si Marseille a son pointu, Assouan a ses felouques. Le Nil change de teinte selon l’heure de la journée, et parfois il se fond avec le paysage, bleu, jaune, vert, rose, blanc. Les bords du Nil possèdent une certaine sensualité.

 

On se ballade dans le souk touristique sans interêt, j ‘ai l’impressin de toujours être à Hurghada…Le lendemain on se rend au temple de Philae, aux abords du Lac Nasser, pas loin des frontières du Soudan. Un des derniers temples de l’Égypte Antique qui était encore fréquenté. Les hieroglyphes me fascinent, non seulement parce que j’y comprend rien, c’est un fait, mais surtout par leur finesse et leur style. Les graphistes, les artistes contemporains, les directeurs artistiques de Coca Cola n’auraient pas fait mieux. Les pharaons auraient régnés sur l’Égypte quelquechose comme 2000 ans, une des plus vieilles civilisations et une des plus avancée, avant l’invasion des Romains, des perses, puis des Arabes. On peut pas s’empêcher de se demander ce que serait devenu, de nos jours, un peuple pareil. Est ce qu’ils auraient inventé la bombe atomique avant nous? Auraient ils déclaré la guerre à Bush? Auraient ils conservé leur religion? Auraient ils sur leur drapeau une pyramide?

 

De retour à Assouan on passe une bonne heure à négocier avec le capitaine d’une felouque pour descendre le nil d’Assouan jusqu’à Drawa (un peu avant Louxor) en deux nuits et un jour. Forcément on nous invite à prendre le thé, ce qui est normalement un geste de politesse mais qui avec les touristes est une tentative d’amadouement. Puis on nous invitera a manger avec eux, accroupis, avec le eich (le pain) en guise de fourchette pour le foul (les fêves). Le marché est conclu, on fait un petit tour sur l’île Éléphantine sur le fleuve. Les Femmes à l’avant du ferry, les hommes à l’arrière. Parfois ce clivage me rassure, parfois il me révolte, parfois j’ai moi aussi envie d’être voilée pour ne pas subir le regard des hommes (et des femmes!), parfois j’ai envie d’arracher le morceau de tissu et ces pulls manches longues qui doivent les faire bouillir de l’intérieur sous cette chaleur. J’ai envie de hurler quand les hommes disent à Jérôme qu’il de la chance. Pourquoi? Parce que je dévoile mes chevilles, ma tête, parce que j’ai l’air plus désirable? Pourquoi ce voile ne devient parfois qu’un prétexte ?(en couleur, assorti à la tenue, il peut même devenir seillant, joli) Pourquoi les femmes jouent elles le jeu en mettant la burka? Je crois que plus personne ne sait…

 

Sur l’île Éléphantine on marche entre les petites maisons nubiennes pleines de couleurs, les rues en terre sont très étroites, au détour des rues, scènes de vie quotidienne avec les enfants qui jouent, la grande soeur qui garde sa petit soeur, les gens qui se dirigent vers la mosquée et la voix du muezzin qui résonne entre les murs du village. Des chèvres, des buffles (gamouza), des felouques, le Nil…Malheuresement dans ce paysage enchanteresque, si l’on se prend à jouer innocemment au ballon avec les enfants de la rue, on se retrouve vite désanchanté lorsqu’ils nous demandent de l’argent…Oh tourisme, tu fais vivre les gens, mais voilà ce qu’ils retiennent de nous! Voilà ce qu’on leur a appris, à être dépendants de nous, que demandent de l’argent est un jeu, et que forcément, l’occidental en a plus. On vient dans ces pays pour acheter du bonheur, et ils l’ont bien compris : Un service, 10 pounds, un jeu au ballon, 1 pound, un sourire? Un pound...Et surtout, ne jamais rien leur donner, ça ne ferait qu’aggraver les choses. Impossible d’avoir une relation sincère, je suis navrée.

 

On a donc descendu le Nil jusqu’à Drawa, mais en une nuit, et un jour, en tirant des bords…Bien le tenps d’apprécier la cuisine du capitaine, d’apprendre des mots, de faire la sieste et de se réveiller le clapotis de l’eau sous les oreilles, de sentir l’odeur de l’eau du fleuve, s’arrêter pour marcher un peu au bord du Nil.

 

Drawa est un petit village. Les gens nous regardent comme des extraterrestres, il faut se battre pour recupèrer la monnaie pour un épi de maïs, on veut forcément tout nous faire payer et tout le monde veut nous parler. Sauf un. Un petit sourd avec qui Jérôme essaie de nouer contact. Un plein milieu d’un carrefour, entre charrettes d’ânes, taxis improvisés qui hurlent, chameaux. Là, tous ceux qui essayaient de nous embrouiller  sachant que l’on ne parlait pas bien arabe, restent muets devant la discussion (incompréhensible!) de Jérôme et du gosse. Belle façon de se faire remarquer…

 

Train pour Louxor. On se fait attirer dans l’hotel Bob Marley! Des posters partout, des peluches, les statuettes à son effigie, les fresques sur les murs…et puis là, on retrouve Maria et Evan, le couple de hippies rencontrés en haut du Mont SinaÏ, hébergés deux jours chez moi à Hurghada, par hasard! On visite la vallée des rois, là où les pharaons se fesaient enterrer en secret, dans le désert. Encore une fois j’ai les yeux qui sortent de la tête devant la finesse des peintures, des couleurs. Et cette poésie…Nout, la déesse du ciel, avale le soleil le soir et le recrache le matin. Son corps est la voûte celeste…

Puis on prend le bus local, on se fait arrêter aux checks points, parce qu’on a pas le droit d’être dans ce genre de bus. Le chauffeur se justifie en disant que Jérôme lui a parlé arabe! Un autre bus, à travers le désert. Il fait nuit et c’est la pleine lune. On voit nettement les collines de sable, les rochers, c’est magique, bleu gris. Une nuit américaine…

 

 

 

Dimanche 15 Mars Différents culturels

Je me suis accrochée avec un moniteur égyptien aujourd’hui. Nos conceptions opposées se sont rencontrées. Le sujet nous a mis en abîme, la rencontre de ma civilisation et de la sienne. J’ai parfois peur que nous ne soyons pas pareils. J’ai parfois peur que les humains soient différents, mais je me ravise en pensant que nous nous créeons des différences pour nous sentir différents les uns des autres, c’est tribal. On a besoin d’appartenir à un groupe.  J’ai peur de ne pas pouvoir saisir sa culture, j’ai peur de ne pas être assez ouverte. J’ai peur que nous puissions seulement nous cotoyer sans pouvoir vivre ensemble, qu’a jamais dans ses yeux je serai la petite effrontée occidentale, qu’a mes yeux il soit toujours l’arriéré intégriste, quoiqu’il arrive, j’ai peur que la culture soit une puissance tellement forte qu’on ne puisse jamais la surpasser. Je ne me sens pas chez moi ici, et c’est d’autant plus insupportable qu’il est impossible de faire des catégories et de savoir à quoi croire, à qui se fier.

Je me sens mal de ne pas pouvoir lier de relation sincère d’amitié avec un homme égyptien. Je souffre de l’absence des femmes dans la rue.  Je souffre du clivage des sexes et des status, et de toujours avoir à l’esprit une séparation entre moi et la personne à qui je parle, de toujours devoir me remémorer quelle position j’ai par rapport à lui. Comme si je devais me comporter d’une manière particulière parce que je suis une femme, parce que je suis francaise, parce que je suis jeune.

Je crois que je ne comprend plus le monde. Je me sens mal d’être l’intruse, d’être différente des autres et qu’on me regarde comme un extraterrestre, une pute, une infidèle ou une petite fille. Je ne suis rien de tout cela, je suis juste moi. Je me pose la question de comment leur faire comprendre cela et c’est déjà comme si j’étais allée trop loin. Je ne peux rien essayer de faire comprendre. Ce sont mes idées de colonialiste.